Randonnée canyoning
Après plusieurs mois de préparation de notre fameux south canyoning, c’est enfin le « grand soir » : nous partons pour le sud ! Rendez-vous, un petit groupe de randonneurs, un vendredi, à 20h à la gare de Tunis, pour un acheminement en train de nuit jusqu’à Tozeur ! Nous montons dans notre wagon (classe confort !) et le train démarre. Le voyage se passe bien : certains dorment à poings fermés, l’un de nous monte la garde et surveille les bagages…
Nous nous réveillons (pour ceux qui ont dormi…) à Gafsa où le train fait une halte assez longue : de notre wagon, nous pouvons voir un train de marchandise chargé de phosphate de couleur jaune-vert qui brille à la lumière du soleil levant. Puis le train reprend sa route, et nous arrivons à destination autour de huit heures. Mustapha, notre guide, est là pour nous attendre.
Après un petit déjeuner dans un café où nous laissons nos bagages, nous partons découvrir Tozeur. Le quartier d’Ouled Hadef est construit de briques ocres, aux reflets verdâtres, composant des motifs géométriques variés et fascinants.
C’est un plaisir sous le soleil du matin de déambuler dans les petites rues, de passer sous des voûtes épaisses, de déboucher sur de mignonnes petites places… Nous visitons une partie de la palmeraie où nous découvrons au « Sahara Lounge » le parc d’accrobranche (on parle plutôt ici d’accropalme !) avec tyrolienne et mur d’escalade : cela fait envie, et déjà on prévoit de revenir tenter l’expérience, une autre fois !
La palmeraie elle-même est immense : on y trouve non seulement des palmiers-dattiers, mais des grenadiers en fleur, des bananiers, des figuiers, des vignes. Nous prenons ensuite une calèche qui nous conduit au quartier des briqueteries.
Un artisan nous présente son métier dans un français impeccable : il y a encore quelques années l’argile était extraite juste à côté, mais depuis qu’un golf a ouvert ses portes à cet endroit, les briquetiers doivent aller dans le chott à sept km de là !…
L’étape cruciale de la fabrication est la cuisson : il faut maintenir le four à la même température en permanence, sous peine de perdre quinze jours de travail !
En début d’après-midi, la chaleur devient forte, et nous allons nous réfugier dans un café. Vers seize heures, enfin, nous prenons un louage qui nous conduit jusqu’à l’oasis de Chebika : la route que nous prenons est en plein désert, nous traversons le chott er-rahim asséché, et apercevons au loin un troupeau de dromadaires. Enfin, nous arrivons.
L’impression est exactement celle que décrivait l’ethnologue Jean Duvignaud : « Alors apparaît Chebika. Mais très loin, comme une touffe au flanc de la montagne qui, depuis le désert, devient transparente, tant sa couleur ocre s’éclaircit ».
L’oasis est nichée dans une gorge encaissée, où coule un oued. Une jolie cascade est l’occasion pour nous de prendre une bonne douche et de se rafraîchir ! Le soir, Mustapha, qui habite dans ce village, nous a préparé un excellent couscous et un thé à la menthe. Nous campons sur la terrasse d’un bâtiment.
Le lendemain, l’appel du muezzin, vers 4h30, nous réveille et nous nous levons : il nous faut partir tôt pour profiter de la chaleur du matin.
Nous traversons les ruines du vieux Chebika déserté (le village moderne est construit en contre-bas) et montons vers la montagne. Bientôt, nous nous retrouvons au milieu de nulle part.
On a l’impression d’être sur la Lune : les roches nous environnent de toute part, parfois seulement des touffes d’herbes nous laissent deviner que quelques gouttes de pluie ont pu tomber ces derniers jours.
Et puis soudain, une oasis apparaît, et c’est une végétation luxuriante qui emplit nos yeux. Au bout de cette oasis, nous obliquons à gauche et rejoignons un oued que nous allons longer. L’espace peu à peu se ressert autour de nous jusqu’à former une gorge.
En même temps, la chaleur monte : il est autour de onze heures, et nous commençons à fatiguer, d’autant plus que nous transportons avec nous notre matériel de campement.
Il nous faut grimper à travers les rochers, nous passons tantôt à gauche, tantôt à droite de l’oued : le chemin n’est pas toujours facile à trouver. Enfin, nous débouchons à la cascade de Tamaghza !
Nous pouvons enfin nous reposer dans la fraicheur des lieux et nous baigner. De nombreux magasins de souvenirs montrent que le lieu était touristique, mais aujourd’hui il n’y a finalement pas grand monde… Dans un café, nous mangeons des m’tabga, les fameuses « pizzas berbères », et buvons un thé à la menthe. Nous faisons quelques parties de Uno, puis une petite sieste s’impose !
Vers seize heures, nous repartons vers le village de Tamaghza : l’objectif est d’y trouver un endroit pour camper !
Le bord de l’oued est pour cela un endroit idéal. Nous repérons un endroit adéquat : c’est près d’une autre cascade.
Il y a d’ailleurs, juste à côté, un commerçant qui fait chambre d’hôte : celui-ci, nous voyant arriver, aurait bien aimé que nous dormions chez lui, et on devine sa déception quand nous lui répondons que nous préférons camper.
Nous faisons une petite pause thé, et puis soudain, au bout de vingt minutes, le téléphone de Mustapha retentit : par on ne sait quel miracle, la garde nationale est déjà informée que nous allons camper et elle nous l’interdit ! Étrange, tout de même !
Et pourtant, la police touristique de Tozeur était au courant et n’y voyait aucun inconvénient… Nous nous rendons au poste et essayons de discuter ! Mais c’est inutile : c’est comme se trouver face à un mur ! Le chef de garde n’est nullement disposé à discuter et ne nous donne aucun argument valable…
Décidément l’impression domine qu’il n’est pas possible dans ce village de s’adonner à un tourisme qui sorte des sentiers battus !… Nous devons donc renoncer à camper dans ce village ! Nous prenons un louage qui nous ramène à Chebika !
Le lendemain matin, nous prenons un car scolaire qui va nous ramener à Tamaghza : un peu compliquée, cette situation, mais c’est du moins l’occasion de côtoyer de jeunes collégiens et lycéens locaux pour qui nous sommes un objet d’attraction et de curiosité !
De Tamaghza, nous faisons une randonnée qui va nous conduire jusqu’au canyon de Midès. De loin, on aperçoit le poste frontière avec l’Algérie, à quelques kilomètres seulement…
Le canyon est impressionnant : un vrai mur, taillé à la verticale ! Avant d’y descendre, nous visitons le vieux Midès, là encore un village déserté par ses habitants partis s’installer quelques km plus loin.
Comme à Tamaghza, on constate que le lieu était touristique : plusieurs échoppes vendent des roses des sables, des fossiles, et autres pierres trouvées dans les environs. Tout cela paraît abandonné aujourd’hui, et le lieu est presque désert.
Trois voitures 4×4 arrivent tout de même, avec, à leur bord, un groupe de Français : ce sera la seule fois, de tout notre séjour, où nous croiserons des étrangers…
Nous descendons finalement dans le canyon : on a l’impression d’être dans un western et que les Indiens Apaches vont nous attaquer au détour d’un rocher !
Il est 13h !
Après avoir pris un petit casse-croute, nous nous mettons à l’ombre pour faire une petite sieste. Puis nous prenons un louage qui va nous conduire à Redeyef : avec 30000 habitants, c’est la principale ville du bassin minier de Gafsa et c’est là qu’en 2008 avaient éclaté des émeutes contre la compagnie de phosphate, émeutes réprimées alors dans le sang.
Arrivés là, nous disputons quelques parties acharnées de Uno, où des alliances se nouent et se dénouent selon des stratégies complexes !
Nous allons ensuite faire quelques courses avant de nous rendre, toujours en louage, dans la montagne. Nous allons découvrir la piste Rommel, une piste construite par le général de l’Afrika Korps pendant la seconde guerre mondiale, pour échapper aux Alliés qui l’assiégeaient depuis le nord. À l’entrée de la montagne, un monument commémore cet événement.
Le paysage est fabuleux ! Les rocs acérés nous environnent de partout ; du haut des falaises, nos regards tombent sur des canyons profonds et la lumière de cette fin d’après-midi apporte une teinte d’or à ces espaces grandioses.
Au terme d’une petite marche, nous posons nos sacs à dos, et établissons notre campement. Après un superbe coucher de soleil, nous nous préparons notre repas du soir. Le projet est de rentrer à Redeyef à pied le lendemain matin.
Mais le sort va en décider autrement !
Dans la soirée, le vent se lève et une véritable tempête de sable commence : elle va durer toute la nuit !
La tente de notre guide, Mustapha, se casse et le toit d’une autre s’envole, contraignant ses occupants à venir se réfugier chez les voisins !
Nous allons peu dormir car le vent ne cesse d’agiter nos abris ! Au matin, alors que le vent continue à souffler, nous plions nos tentes avec difficulté. L’un de nous, de plus, s’est blessé au bras durant la soirée, dans les rochers environnants.
Tout cela nous oblige à renoncer à poursuivre la randonnée… Sur la piste, nous croisons un pick-up et nous lui demandons de nous ramener à Redeyef !
Nous montons tous avec nos bagages à l’arrière du véhicule qui fonce jusqu’à la ville ! C’est un moment assez mémorable qui vient clore notre séjour : arrivés à Redeyef, nous trouvons un louage qui nous emmène jusqu’à Gafsa et c’est de là que vers 10h nous rentrons en car jusqu’à Tunis !
En résumé, ce fut un séjour formidable qui nous a permis de découvrir une région splendide.
Le sud est décidément un autre pays, où le rythme de vie est différent, où les hommes et les femmes témoignent d’une gentillesse permanente et naturelle, où la pauvreté n’exclut pas la générosité…
Ce fut également une belle expérience humaine où nous avons appris à nous connaître les uns les autres, à nous soutenir dans les moments de difficulté, où nous avons ri ensemble bien souvent.